Le Yi-King, Le livre des transformations

             Le Yi-King, Le livre des transformations

 « Lorsque l’esprit est au repos, il étincelle. Lorsque l’esprit ne s’arrête pas, il s’égare.

L’esprit étincelant est l’esprit du Tao. L’esprit errant est l’esprit humain. L’esprit du Tao toutefois se tient dans l’esprit humain et vice-versa.

Si l’on maintient toujours l’esprit étincelant, l’esprit errant ne s’agite pas.

« L’illumination de l’esprit ne saurait être le fruit d’un projet ».

C’est dans cette ouverture de conscience que nous souhaiterions aborder l’enseignement du Yi-King. Ce livre, appelé aussi « Le Livre des Transformations » ou des mutations, est un monument de la pensée chinoise. Vieux de 3000 ans, il a donné naissance aux deux branches de la philosophie chinoise, le Confucianisme et le Taoïsme qui ont fondé cette civilisation.

Réputé pour être un ouvrage de principes fondamentaux, il fut connu en Occident grâce à un missionnaire chrétien, parti en Chine, qui envoya une lettre au mathématicien et philosophe allemand Leibniz. C’est à partir du Yi-King que Leibniz élabora sa théorie des monades.

Comme beaucoup de textes sacrés, et l’on pense ici tout particulièrement à la Bible, le texte du Yi-King a subi de nombreuses déformations, a fait l’objet d’interprétations spéculatives, l’entourant d’une aura de mystère, d’une profondeur totalement incompréhensible.

Certes, il peut être tentant de vouloir enserrer l’esprit du Yi-King, sous une forme intellectualisée, au moyen de concepts et de démonstrations. Mais l’on doit ici rapporter lamise en garde du philosophe Carl Gustav Jung, qui estime, que « l’intellect est un ennemi del’âme lorsqu’il veut capter l’héritage de l’esprit, ce dont il n’est pas capable, car l’esprit estsupérieur à l’intellect puisqu’il comprend non seulement l’esprit mais aussi le cœur. Il constitue une direction et un principe vital qui aspire à des hauteurs lumineuses, surhumaines » (Commentaire sur le Mystère de la fleur d’or, p. 24).

Le Yi-King tente de faire saisir directement le principe des mouvements, des situations rencontrées. Il ne mobilise pas l’intellect, la raison cartésienne et sa capacité d’analyse, de classement, de comparaison et de jugement.

Il oblige les hommes, et tout particulièrement les occidentaux modernes qui ont aiguisé leurs facultés intellectuelles, à renoncer à leur mental discriminant. Alors que la science est analytique, car elle isole le phénomène étudié de son contexte, la pensée orientale est synthétique : elle apprend à tout embrasser d’un seul coup d’œil et à lire les rapports.

La compréhension profonde du message du yi-King suppose donc un éveil particulier de la conscience, une intelligence du cœur, une mise en retrait des conditionnements mentaux ou,pour parler dans un langage propre au yi-King, des multiples petits yins qui encapsulent la révélation du grand Yang.

L’hexagramme n° 59 intitulé « la dispersion » traduit bien cette approche :

« Quand le yang et le yin, l’essence et la sensibilité perdent leur équilibre, l’esprit du Tao s’obscurcit, et le mental surgit, l’énergie saine s’affaiblit et l’énergie aberrante se développe ».

Cet ouvrage met à la disposition des hommes et des femmes d’aujourd’hui un enseignement vivant, une voie spirituelle actuelle, qui peut être comprise et suivie par tous ceux qui se relient intérieurement à sa source. Il leur permet ainsi d’identifier ce qui les sépare de Tao, du Divin, de Dieu, de la Lumière.

Avec la gnose hermétique, le Christianisme des origines, de la Kabbale, du Soufisme, du Catharisme, etc.., le Taoïsme est un enseignement qui transmet la Connaissance Originelle où puisèrent les sciences, les arts mystiques, psychologiques, médicaux et technologiques de la culture chinoise.

Mais comme tout enseignement, il dégénéra, perdit son unité première, et se fragmenta en plusieurs dizaines d’écoles au cours du temps.

La « Voie », appelée Tao en chinois, représente un principe éternel. Grâce à cette « Voie », des méthodes furent conçues pour conduire à l’accomplissement de la destinée humaine et de celle de la Nature. Le Yi-King est le support de cette recherche.

« Yi » signifie « changement en accord avec le temps », de façon à suivre Tao.

I. Repères historiques et culturels

Le Yi-king fait partie de l’enseignement taoïste, dont les origines remontent à Lao Tseu.

L’origine et la composition de ce livre sont sujettes à controverse.

Mais traditionnellement, le Yi-King a été élaboré au cours de plusieurs périodes et est attribué à 4 auteurs principaux :

– Fou Si, chef de clan, 3000 ans av. JC : il est une figure mythique, le représentant de l’ère de la chasse et de la pêche.

– Le roi Wen, dirigeant du 11ème siècle av. JC : il est un ancêtre de la dynastie Tchéou.

La collection des 64 hexagrammes proviendrait de cette époque.

– Le Duc de Tchéou, fils du roi Wen : c’est le Duc de Tchéou qui aurait ajouté des commentaires aux 64 hexagrammes.

– Et Confucius, 6ème et 5ème siècle av. JC. Confucius s’est beaucoup appuyé sur le Yi-King. Il se consacra à sa lecture assidue dans son grand âge et le

Yi-King fut pour lui un livre de méditation.

La préoccupation majeure de Confucius et de l’école confucéenne est d’éduquer l’homme afin qu’il devienne un membre vertueux de la société. C’est le Tao des Sages. Confucius avoulu créer « l’homme de bien ».

Pour lui, l’homme a une mission sacrée : celle d’affirmer et d’élever toujours plus haut sa propre humanité. Confucius a puisé aux sources de la pensée taoïste traditionnelle pour établir une culture, qui deviendra une culture millénaire. Il déclare à qui veut l’entendre : « Je transmets l’enseignement des anciens sans rien créer de nouveau, car il me semble digne de foi et d’adhésion ».

L’école de la Complète Réalité s’inscrit dans une démarche très différente. Apparu au 10ème siècle après JC, ce mouvement spirituel eut pour objectif de restaurer les enseignements taoïstes primitifs relatifs à l’élévation de la conscience, c’est à dire le développement des éléments spirituels, sociaux et physiques de la vie humaine.

Cette école se relie aux enseignements de Lao Tseu. Elle se réclame du « Tao des immortels ». Le yi-King n’est pas utilisé par elle pour améliorer l’homme mais pour leconduire dans sa patrie originelle. Tao est une Voie qui n’est pas destinée à développer l’êtrehumain dans son aspect naturel mais à lui rappeler sa mission essentielle qui est de fairegrandir sa parcelle divine.

Bien que l’interprétation la plus célèbre du yi-King soit la version que nous a légué Richard Wilhelm, ami de K. Gustav Jung, nous avons choisi de nous appuyer principalement sur une traduction et un commentaire du Yi-King élaboré par un adepte de l’École de la complète réalité, Liou Li-Ming.

Dès que nous évoquerons un hexagramme particulier du Yi-King, nous

nous référerons donc à ses explications.

Ce commentaire fut écrit en 1796. Liou Li-Ming fut reconnu en son temps comme « homme libre », comme « celui qui a réalisé l’essentiel ».

Il entreprit de lever le voile sur le mystère du langage ésotérique de l’Alchimie.

Liou Li-Ming écrivit : « le Yi-King est une méthode d’investigation des principes, une étude des modes d’accomplissement de la nature et de l’obtention du sens de la vie ».

Le Tao des immortels ne vise pas à améliorer l’homme ou la société mais à lui rappeler sa, mission originelle, éternelle : « Homme : rappelle-toi que tu es le temple de Dieu ! », dit Hermès Trismesgiste et, avec lui, les enseignements des écoles des mystères de tous les temps. « Connais-toi toi-même et tu connaîtras la nature et les Dieux » lit-on sur le fronton du temple de Delphes..

Encore vivante aujourd’hui, cette école de la Complète Réalité réunit de nombreux adeptes, membres ordinaires de la société.

Le Yi-king est composé de 64 hexagrammes.

Un hexagramme est une figure de 6 traits pleins ou brisés empilés les uns sur les autres. Ces hexagrammes servent à décrire des éléments, des processus et des expériences visant à développer le corps et l’esprit humains. Il y a

4 hexagrammes considérés comme « éternels », piliers inhérents et nécessaires à tout instant. Les 4 hexagrammes éternels sont :

– le Ciel = fermeté

– la Terre = souplesse

– l’eau = contrôle intérieur et extérieur des obstacles ; prise en compte des difficultés et des dangers inhérents à l’esprit et à l’environnement = moyen d’accomplir le développement humain suivant la voie, le plan établi

– le feu = l’illumination, la conscience, la compréhension nécessaires pour guider l’action.

La totalité des 360 traits des 60 autres hexagrammes dits « temporels » sont associés métaphoriquement aux 360 jours de l’année lunaire. Ainsi, les 64 hexagrammes représentent la substance et la fonction du Tao (la substance s’exprime dans la fonction).

La divination fut un des usages les plus répandus du Yi-King. Les pratiques divinatoires sont connues depuis la Chine archaïque. Elles aboutissent à une dégénérescence de son utilisation.

Elles se font d’abord par interprétation des craquelures résultant du brûlage d’omoplates d’ovins ou de carapaces de tortues. Elles sont remplacées plus tard par un nouveau mode de divination fondée sur le décompte des tiges d’achillée.

Comment opérait-on avec l’achillée ? Il s’agissait d’interpréter par des traits des principes de fonctionnement. L’opération était répétée 6 fois de suite. Les 6 résultats, au lieu d’être exprimés par des chiffres, l’étaient par des traits : un trait discontinu exprimant le yin et un trait plein qui concrétisait le yang. La figure, appelée hexagramme, se forme en empilant les traits les uns sur les autres en commençant par le bas.

Le yi-King a pu et peut être utilisé comme un outil de prédiction, un peu comme les cartes ou les runes, mais à côté de la prédiction mécanique, d’autres utilisations se sont développées.

Le yi-King peut aussi devenir une méthode contemplative d’auto-analyse et d’approche des situations, comme une sorte d’aide en vue d’un développement psychologique personnel harmonieux, d’une meilleure connaissance psychologique de soi. Le yi-King peut enfin devenir un outil de recherche spirituelle.

Et c’est de cette fonction-là dont il est question principalement.

Quelle que soit son utilisation, la réponse du Yi-King sera adaptée à l’individu, à son niveau de conscience. Si un individu interroge le yi-King dans une optique de prédiction pure, il interprétera la réponse à ce même niveau. S’il l’utilise comme un « guide » spirituel, la vibration sous-jacente conduira à une fonction de connaissance de soi au plan spirituel.

Il s’agit ici d’une expression particulière de la « loi de synchronicité » mise en lumière par Carl. Gustav. Yung. Lorsque dans une situation donnée, notre regard n’est pas assez lucide pour en discerner le sens, nous pouvons escompter, qu’en laissant se former un hexagramme, nous obtiendrons une figure qui sera comme une image radiographique du moment.

L’état de conscience de la personne, ses besoins propres, vont susciter une réponse particulière et la mobilisation d’une nature d’énergie spécifique.

De nombreux taoïstes éminents ont abandonné explicitement la divination. Ainsi, un penseur écrivit : « Ceux qui font un usage avisé du Yi-King ne pratiquent pas la divination ».

Le yi-King s’adresse en premier lieu à des chercheurs spirituels, en quête de vérité, à des personnes qui souhaitent comprendre le sens de la vie et les mécanismes des transformations.

Précisons à présent quelques particularités du Yi-King

Le Yi-King commence par les signes désignant le Ciel et le Terre, le pur yang et le pur yin.

Ce sont les 2 modalités de la pratique du Tao, qui expriment, pour le premier, la voie de la fermeté et de l’énergie créatrice, et pour le second, la voie de la souplesse et de la force réceptrice.

Les orientaux ont développé une pensée globale et unifiante. Les forces yin et yang sont décrites de manière complémentaire et non opposée.

Ces deux aspects yin-yang sont nécessaires à l’expression de la manifestation : à la terre, au ciel, aux étoiles, à l’homme, au fonctionnement des saisons, voire à l’organisation de la vie en société. Ils sont omniprésents et agissent en permanence.

La force yang est l’impulsion créatrice, une force qui se propage, qui se répand. C’est l’énergie positive.

« Rien n’est plus grand que le ciel. C’est comme tao, un flux d’énergie unitaire, qui circule continûment et jamais ne cesse. Il n’est chose qu’il ne recouvre, il n’est chose qui puisse le mettre en péril. Il représente la pleine santé et la pleine puissance » Cette force sans trace ni apparence perceptible est désignée comme la dimension humaine céleste. Elle est immuable, paisible, sensible et efficace. Sise au cœur des dix mille choses, elle échappe à leur emprise ».

En face, on trouve la force yin, réceptacle qui sert à manifester la force yang, qui l’exprime.

Elle est souple, réceptive et elle reçoit l’essence yang, elle est capable de la cultiver.

Hexagramme 2 : « Rien n’est plus soumis que la terre, originellement, la terre ne peut engendrer ni faire croître quoique ce soit. Si elle engendre et fait croître les dix mille choses, c’est qu’elle s’avère réceptive à l’énergie yang du ciel ».

Pour le Yi-king, ces deux forces sont pures, originelles, sans connotation morale.

C’est leur utilisation qui détermine leur nature et leurs propriétés. Il est question par conséquent du Grand Yang et du petit yang et du Grand Yin et du petit yin ou, dit autrement, l’énergie pure peut se mettre au service soit d’un processus spirituel, soit être utilisé sur le plan matérialiste, en vue d’une conservation égocentrique.

Le yi-King met en lumière ce champ de force, cette collaboration du yin et du yang et en précise son énergie : soit petit-yin/grand yin, soit petit yang/grand yang.

Car pour le Yi-King, il y a 2 sortes de Yin et de Yang : Les Grands Yin et Yang, qui vont nous élever de la matérialité alors que les petits yin et yang permettent des développements purement matériels.

Un hexagramme constitue à cet égard une association de petits ou grands yins, de petits ou grands yangs. Ils montrent la place du yin et du yang à un moment donné, s’adaptant à l’état existentiel du pratiquant, renvoyant à différentes associations et leurs implications dans le présent.

Nous souhaiterions illustrer les interactions Yin/yang et les possibilités d’utilisation des forces à travers des situations concrètes.

Un étudiant en quête du devoir parfait est bloqué, il n’arrive pas à terminer son devoir.

Il interroge le yi-King qui lui répond : humilité (hexagramme n°15).

1/ lorsqu’on interroge le yi-King, la description de la situation contient déjà la réponse

2/dans ce cas, le yi-King peut être un outil qui éclaire l’étudiant sur sa situation présente, sur les possibilités du moment. Il peut transformer par une prise de conscience sa situation de blocage s’il accepte avec humilité d’abandonner l’idée de perfection dans la réalisation de son travail. Alors les traits « petit yin » qui encapsulent, qui cernent, la force créatrice « yang » deviendront des Grands Yins qui permettront à l’étudiant de s’ouvrir à sa force créatrice intérieure et à être réceptif à cette force.

Ce premier exemple illustre une manière d’utiliser le yi-King à des fins psychologiques, comme une aide à la connaissance de soi.

Mais le yi-King peut aussi être lu, comme un traité cosmogonique, comme une vaste explication des phénomènes cosmiques.

Ainsi, la fécondation du principe réceptif, la terre (hexagramme 2) par le ciel, la force créatrice du grand yang, permet non seulement la manifestation de tout ce qui est terrestre mais aussi de ce qui est spirituel.

Le Yang céleste insuffle son énergie à la matière, tout comme le décrit la Genèse, « L’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux »..

Les énergies yin et yang sont en continuelle transformation, interactions, dialectiques.

Pour le yi-king, tout se transforme en permanence. Rien n’est jamais acquis, rien n’est jamais définitif. Si l’être est ouvert à la force yang, il peut se laisser transmuter. Mais les forces de conditionnement et de cristallisation sont toujours à l’oeuvre.

Les hexagrammes traduisent des situations transitoires dont le sens et les tendances qu’ils recèlent peuvent apparaître dans leur transformation ou dans leur état. Dans leur ensemble, ils peuvent être compris comme la vaste évolution d’une situation. Le passage d’un hexagramme à un autre, c’est à dire d’une situation vitale dans une autre, traduit le mouvement ordonné suivant lequel la manifestation se déploie. Par le jeu des mutations, chaque hexagramme porte

en germe l’ensemble des autres.

Les chinois ne se sont pas intéressés à « l’être », figure arrêtée, mais au devenir. Le sage ne peut se reposer, il doit être en vigilance constante. Il peut s’écarter de la voie à tout instant, vaincu par les forces du petit yin. Ces forces sclérosantes peuvent prendre la forme de certitudes, de projections mentales, de sentiment d’être parvenu..

C’est pourquoi, le yi-king, donne en permanence des leçons de modestie au candidat.

Les hexagrammes 63 et 64 traduisent bien cette dialectique. L’accompli (63) peut se transformer en inaccompli (64) si le sage n’est pas assez vigilant ou encore « Dragon orgueilleux aura à se repentir » (Anne Cheng p. 280).

Dans le Yi-king, se trouve la formulation la plus achevée de l’extrême attention que prête la pensée chinoise à ce qui est en germe, ce qui n’est encore qu’en gestation. Toute la science du yi-king repose sur le postulat que le futur est déjà présent à l’état de germe. De manière plus générale, une situation, quelle qu’elle soit, n’est jamais figée, elle est la préfiguration d’une nouvelle situation.

L’homme est ainsi associé à la formation de son destin car c’est des germes que tout dépend. Tant que les choses sont à l’état naissant, il est possible de les gouverner. Mais dèsqu’elles se sont développées dans leurs conséquences, elles deviennent des réalités trop fortespour l’homme, qui demeure impuissant face à elles..

L’idée de germe évoque aussi un potentiel spirituel, une force, sans trace ni apparence perceptible désignée comme la dimension humaine céleste.

« Enracinée dans le primordial et dissimulée par le temporel, cette force réside en chacun, qu’il soit sage ou ignorant » (commentaire hexagramme n°1). Le christianisme a repris cette idée à travers l’image du grain de sénevé, qui correspond au germe spirituel déposé en l’homme. Toute école initiatique vise à éveiller et à développer ce potentiel.

On retrouve cette approche chez les philosophes, comme Hegel (Leçon sur l’histoire de la philosophie) ou Leibnitz dans sa théorie des monades.

Pour Hegel, « Le germe est simple, presque un point ; même le microscope ne saurait en découvrir grand-chose ; mais cette simplicité est grosse de toutes les qualités de l’arbre. Tout l’arbre est dans le germe, les rameaux, les feuilles, leur couleur, leur saveur, etc.. Cependant cette chose simple, le germe, n’est pas l’arbre même, cet ensemble varié n’existe pas encore.

Il importe de savoir qu’existe quelque chose de tout simple, contenant en soi une multiplicité, qui toutefois n’existe pas encore pour soi ».

II. Le yi-king, traité alchimique

Le Yi-king peut être perçu comme un traité alchimique qui décrit les grandes phases du processus d’une alchimie spirituelle qui se déroule dans le grand laboratoire du cosmos et de l’homme, envisagé comme un petit monde, un

« microcosme ».

Il est question de 4 phases : création, développement, réalisation, perfection. « Si un seul de ces 4 aspects fait défaut, le pouvoir de la force n’atteindra pas sa complétude et la vie même finira par vous échapper. Il importe donc de connaître le processus de combustion lié à l’avancée du yang ».

La pratique taoïste est une voie de transformation intérieure profonde.

Par la pratique du Tao, l’homme est transformé en un reflet objectif du Ciel et de la loi universelle, et trouve alors sa perfection.

L’esprit du Tao est associé au Yang « céleste » ou pur yang. L’esprit humain est associé au yin « terrestre » ou petit yin. L’homme est sous l’influence de la pensée et des émotions liées aux objets du monde.

Et comme l’esprit gouverne la conscience, celle-ci est gouvernée soit par l’esprit du Tao, soit par l’esprit humain. Cependant, l’esprit humain ne doit pas être annihilé : il faut simplement l’empêcher de faire mauvais usage de la conscience.

Prendre l’esprit humain (la conscience conditionnée) pour l’esprit réel, c’est prendre le serviteur pour le maître !

En vidant l’esprit de sa subjectivité conditionnée, en réduisant au silence les prédispositions personnelles, on s’approche d’un état de pure réceptivité. Alors émergent une action et une compréhension nouvelles. Le corps humain est alors utilisé comme instrument pour atteindre Tao.

L’éternité est la substance de la transformation, le changement est la fonction de la transformation.

Ce qui ne change pas, c’est la substance de la transformation ; ce qui change, c’est la fonction de la transformation. Cette substance se trouve partout (notamment dans le cœur de l’homme). Cette énergie a vocation à se répandre et à exercer une action sur la matière, à la dissoudre, à la transmuter.

Ou dit autrement : Dieu (la substance) a besoin de se répandre en envoyant son fils pour se révéler à lui-même (la fonction). Tao est à la fois repos mouvement et l’un ne va pas sans l’autre, ils se définissent l’un l’autre.

Si l’on suit la voie du repos, alors l’ouverture est possible : on peut tout embrasser. Par la tranquillité, on peut tout percevoir.

La réceptivité et la créativité, le repos et le mouvement, sont deux forces qui permettront une transmutation de l’être humain tout entier..

Autrement dit : « Qui connaît sa force masculine et pourtant conserve sa douceur féminine est la vallée du royaume » (Verset 1, chapitre 28 du Tao Te King, Gnose chinoise).

Une analogie avec les pratiques alchimiques s’impose tout naturellement. Car on retrouve, en filigrane dans le Yi-King les grandes phases du processus spirituel de transmutation des alchimistes dont l’objectif est de faire de l’or, de transmuter le vil plomb de la matière (le corps et la conscience naturels de l’homme) en or de l’esprit.

Le point de départ de l’alchimie est un cœur parfaitement accordé à la source de l’or spirituel.

Il s’agit du « désir du salut », du désir d’une perfection complète, c’est le germe divin qui vibre dans l’homme. Comme l’exprime le commentaire du Yi-king, « enracinée dans le primordial et dissimulée par le temporel, cette force réside en chacun, qu’il soit sage ou ignorant ».

Et l’on découvre alors le laboratoire alchimique où l’or sera fabriqué : c’est l’homme lui-même, avec tous les fluides qui constituent sa personnalité, et toutes les composantes de son être !

Nous nous plaçons alors devant cette formule alchimique :

« Confie le soufre au feu, incorpore lentement le mercure, puis le sel purifié, et le résultat final en sera l’or ».

L’alchimie se déroule en 3 grandes phases appelées l’œuvre au noir, l’œuvre au blanc et l’œuvre au rouge. Rappelons-les successivement.

Elles éclairent sous un jour nouveau les enseignements du Yi-King :

Phase n° 1 : la putréfaction : l’œuvre au noir. Dans cette première phase, la matière va subir un passage dans les ténèbres. Le candidat aux mystères visite ses enfers intérieurs. La graine spirituelle est enfouie dans la nuit de la terre, puis elle meurt, pour renaître à la lumière. La couleur noire (il s’agit bien de l’œuvre au noir) est symbolisée en Alchimie par le corbeau.

C’est la couleur de Saturne, du Plomb, la terre, la nuit, la dissolution.

L’apparition de cette noirceur est la marque certaine du succès futur, le signe de l’exacte préparation du compost et le candidat aux mystères en vient à se réjouir de cette irruption évidente des ténèbres dans sa vie !

Car, disent les textes alchimiques, il faut couper la tête du corbeau ou caput mortuum, tête morte, afin qu’apparaisse la couleur blanche.

La tête de corbeau, matière noire et déshéritée de nos anciennes habitudes de pensées, est séparée par un violent coup de marteau, nous disent les textes et une nouvelle conscience commence à s’exprimer dans notre être.

Le yi-king évoque cette phase comme étant l’affinement du moi (endoura). Elle est décrite par l’hexagramme n° 23 appelé « l’usure ».

Le yin progresse et le yang s’immobilise. Les 5 traits yin ont accompli leur travail de sape jusqu’à menacer le seul trait yang (image de l’atome-étincelle enfoui dans le cœur de l’homme et emprisonné tant que les conditionnements ne sont pas démasqués, abandonnés).

Le yang, trop affaibli, ne peut plus vaincre le yin . Ceux qui ne prennent pas conscience de ce phénomène, continuant de confondre la réalité et l’illusion finissent par épuiser complètement l’énergie yang. Il existe cependant un moyen de canaliser l’énergie yin et d’accroître l’énergie yang, arrêtant ainsi la dissolution. Il s’agit de s’accorder au point d’énergie yang encore sauf

et de le stabiliser. Pour ce faire, il importe de se délivrer des concepts, des influences conditionnantes et de retourner à l’essentiel. Ce qui permet au yang de ne pas se transformer complètement en yin, c’est le mécanisme régissant la circulation d’énergie du ciel et de la terre.

Ce qui préserve le yang cerné par le yin, c’est l’opération de retournement pratiqué par les sages.

Cette phase prépare l’opération suivante : la sublimation, l’œuvre au blanc, la grande séparation entre le pur et l’impur, le combat entre ce qui est terrestre par nature avec ce quiest aérien par nature. C’est le combat entre l’aigle et le Lion, si souvent représenté sur lesgravures alchimiques.

La séparation achevée, une grande lumière apparaît, une blancheur virginale : la Rose Blanche éclot, indiquant le passage des ténèbres à la lumière, de l’œuvre au noir à l’œuvre au blanc.

Dans le creuset alchimique, à la surface du compost, rayonne une étoile à cinq branches, « l’étoile des mages ». L’étoile au-dessus de la grotte de la naissance, où repose Jésus nouveau-né.

Une phase nouvelle commence dans l’être de l’alchimiste : il possède un témoignage de première main. L’Autre, le divin, en lui est né.

La transformation du corps s’accélère, la nature du sang se modifie, et sa dernière purification par le feu a lieu au cours de la sublimation alchimique . Tout ce qui est superflu est détruit, les matières de la terre perdent leur cohésion tandis que les principes purs, incombustibles, s’élèvent dans le ciel comme des aigles.

La sublimation étant achevée, les principes supérieurs et inférieurs étant retournés à leur nature respective, apparaît enfin dans le creuset ce qui n’est pas de cette nature et qui était jusqu’alors invisible: l’or pur de l’esprit, le germe de Christ en l’homme.

Cette phase se clôt avec la victoire finale de Christ sur la nature inférieure, sur l’œuvre au rouge des alchimistes qui décrit l’apparition d’un nouvel état sanguin.

Ces deux phases peuvent être retrouvées dans plusieurs hexagrammes, notamment dans le

n°51 : Le chaudron (symbole du graal qui recueille l’élixir d’or)

Au sein de la lumière réside la vacuité et l’ouverture. Au sein de l’obéissance (pur yin), réside l’accomplissement. Lorsque l’homme est vide (pur yin) et lumineux (pur yang), son éveil éclaire toute chose et son esprit ne saurait être parasité par la vie matérielle.

Cet affinement permet de sublimer l’énergie terrestre (sublimation du petit yin) et de stabiliser l’énergie céleste (équilibre entre les forces grand yin et grand yang).

Conclusion : ce travail alchimique intérieur est toujours possible de nos jours car tant qu’il y aura des hommes sur la terre, ils auront à leur disposition des moyens, comme des enseignements spirituels, des écoles transfiguristiques, leur permettant de mener à bien ce processus de métamorphose.

La sagesse chinoise en tant que sagesse vivante est présente dans de telles écoles. Ces écoles mettent à disposition des chercheurs de vérité un creuset, un athanor dans lequel brûle un feu purifiant. Ce feu extrait le subtil du grossier, permet d’identifier les conditionnements, les créations mentales et émotionnelles qui séparent les hommes de la lumière.

Yi King

Richard Wilhelm

Librairie de Medicis

La Gnose Chinoise

Catharose de Petri

Jan Van Rijckborgh

Rosekruis Pers

Commentaire sur le Mystère de la Fleur d’Or

Carl Gustav Jung

Traduit de l’ALLEMAND (SUISSE) par ETIENNE PERROT

Albin Michel Espaces Libres ; Spiritualites Vivantes

Synchronicité et Paracelsica

Carl Gustav Jung

Albin Michel

Yi King

Par Yi-Ming LieouThomas ClearyZéno Bianu (Traduction)  éditions du Rocher

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