ANARCHIE ET CHRISTIANISME

ANARCHIE ET CHRISTIANISME

                              Nous voudrions évoquer aujourd’hui le but d’une Ecole Spirituelle, la construction de la Nouvelle Jérusalem, la Sancta Democratio.

Comme tous les archétypes présents dans le monde des noumènes, celui-ci s’est manifesté dans le monde de la nature de la mort sous différents aspects et en particulier celui de l’Anarchie.

Ce terme d’Anarchie signifie « absence d’autorité extérieure ». Il a été travesti par l’autorité en place et est devenu synonyme de chaos, alors qu’il désigne un ordre supérieur, un Cosmos, terme qui signifie « ordre harmonieux », un Cosmos dont chaque partie collabore avec les autres sur la base d’un désir commun et dans une autodiscipline librement consentie, émanation de cette haute idée qui l’habite.

                              Et si le phénomène a pris différentes formes dues à une mauvaise compréhension du principe qui en est à la base, un parti anarchiste est en fait la réunion d’individus uniques et libres qui acceptent de collaborer en vue de l’accomplissement d’un but commun, la société anarchiste. De même, les élèves d’une Ecole spirituelle sont ces entités uniques, des électrons libres, qui  s’unissent sur la base de la volonté individuelle et non sous la férule d’une loi rosicrucienne, pour former un corps vivant qui doit devenir la Sancta Democratio.

                    Un organisme où règne l’égalité sur la base du Christ en nous, de l’élévation. La société parfaite dont ont rêvé les anarchistes véritables, et non l’égalité par le bas et dans la dictature du groupe sur l’individu comme l’a réalisée le Communisme.

Cette différence de vue a fait que le mouvement anarchiste a été férocement combattu par le Parti Communiste qui avait compris que l’aboutissement de cette vision idéaliste menait à sa disparition, comme l’avaient compris les dirigeants politiques et religieux qui ont condamné Mani.

De même Caïphe, le Grand Sacrificateur, prononça la condamnation de Jésus en disant : « Il est avantageux qu’un seul meure pour le peuple ».

                              Car le principe de base de toute société égalitaire est l’individu en qui la rose est éclose, qui a manifesté en lui la Liberté absolue, et non cette émanation du groupe qui peut se matérialiser en Eglise ou en dictature du prolétariat.

                     Tous les grands maîtres spirituels, à commencer par M. Rijckenborgh, ont insisté sur cette liberté intérieure, cette indépendance d’esprit qui doit être la marque d’un véritable chercheur.

Paracelse, par exemple, conseillait, lorsque l’on lit un livre, de n’en retenir que ce que notre raison accepte. Lorsque lors de la conférence internationale du Lectorium Rosicrucianum qui a eu lieu à Ussat en 2006 on nous parle de soi-autonomie, de soi-autorité, ce sont des principes qui sont à la base de l’idée anarchiste et qui doivent être mis en œuvre dans notre vie.

                      Ce rassemblement d’individus ne se limite pas à nos connaissances proches, ou même à une communauté de vues, mais chaque membre de l’humanité est appelé à y participer!

                       L’idée de parti vue par un anarchiste est un lieu où toutes les différences d’origine, de culture, de mode de pensée, bref tout le conditionnement généré par la société, l’hérédité, le Karma, s’efface devant l’unicité de celui qui nous a réunis autour de lui et en lui : Christ.

                              Au cours des temps, nombreux sont ceux qui ont appliqué les principes de la société anarchiste et ont ainsi formé des communautés où la propriété individuelle n’existait pas, où il était donné à chacun selon ses besoins dans le cadre d’une égalité parfaite entre tous les membres.

Nous connaissons la Fraternité des Esséniens, dont les participants donnaient tous leurs biens à la collectivité avant d’être admis, mais également de nombreuses communautés chrétiennes ont vu le jour et ont prospéré avant de tomber sous les coups de l’Etat et de la Religion qui ne pouvaient accepter que de tels groupes se libèrent de leur joug.                   

En effet la recherche de la liberté, intérieure et extérieure, a toujours été le leitmotiv des chrétiens comme des anarchistes.

Il a d’ailleurs existé un courant anarcho-chrétien dont l’un des plus fameux représentants fut Léon Tolstoï  qui souhaitait mettre la Bible en pratique. Par exemple il prônait la disparition des tribunaux et prisons puisque Jésus nous enjoint de ne pas juger. Cela peut nous paraître excessif, et vain puisque nous savons qu’il ne sera jamais possible d’établir le royaume de Dieu sur Terre, mais Tolstoï eut le mérite de vouloir vivre la Bible dans sa vie quotidienne et non pas seulement en parler.

Un précurseur de la pensée anarchiste moderne fut au

19ème siècle Max Stirner. Il dressa, dans son ouvrage

« L’Unique et sa Propriété », un tableau sans concession de la société dans laquelle il vivait, et qui est toujours d’actualité. Il dévoilait ainsi les véritables motivations cachées des hommes : l’amour, le désintéressement, le loyalisme etc…, ne sont que des travestissements de l’égoïsme, la piété du croyant, le souci de légalité du bourgeois ne sont que des procédés par lesquels l’un exploite son Dieu, et l’autre l’Etat.

Si l’on compatit à l’infortune du volé et que l’on applaudit au châtiment du voleur, c’est que nous pourrions en être victime, si l’on soutient les victimes d’un tsunami, c’est parce que nous aurions pu nous trouver sur cette plage.

Les rebelles qui bravent toutes les convenances inventent un nouveau conformisme, une mode aux codes très stricts. Puis, avec l’âge, ils rejoindront le rang, s’y conformant par leurs pensées et leurs actes.

L’égoïsme aujourd’hui s’est débarrassé de son vieil appareil de guerre, nous ne marchons plus à l’ennemi en brandissant épées et boucliers, mais le combat pour la vie est toujours féroce. Chacun se bat pour obtenir une meilleure place, même si pour cela il faut passer sur le corps de ses semblables.

                              Mais après ce constat sinistre, Max Stirner affirmait que c’est la destinée du prisonnier d’un corps de devenir quelque jour un esprit bienheureux : « tout ce qui se montre à toi n’est que le reflet de l’Esprit qui l’habite, une apparition spectrale ; le monde entier n’est qu’une fantasmagorie derrière laquelle s’agite l’Esprit ».

Et pour réaliser cette destinée, l’homme doit, comme Archimède qui disait « donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde », rechercher ce point d’appui en dehors du monde connu : c’est le monde de l’Esprit, à la fois transcendant et immanent.

S’assurer le Ciel, s’assurer le point d’appui céleste, c’est la seule véritable libération.

                              Les anarchistes ont la réputation d’être des pourfendeurs de la religion, mais il existe, comme nous l’avons dit, dans la droite ligne de

Max Stirner, un courant que l’on peut qualifier d’anarcho-chrétien.

En effet ce que ces hommes condamnaient, ce n’était pas l’idée de Dieu, mais la religion exotérique créée par les hommes.

Tolstoï était profondément chrétien, mais dans une de ses nouvelles, il attribue la création de l’Eglise à un diable serviteur de Satan qui rappelle à son maître que l’invention de l’infaillibilité a permis de tuer des millions de gens, dont des hommes et des femmes qui vivaient l’enseignement de Jésus Christ en Vérité et qui auraient pu menacer son existence.

Nous citons :

« L’homme doit se dévouer à une grande cause, à une grande idée ! C’est par exemple la gloire de Dieu, pour laquelle d’innombrables victimes ont cherché et trouvé la mort ; c’est le Christianisme qui a trouvé des martyrs prêts au supplice ; c’est cette Eglise hors de laquelle il n’est pas de salut, si avide d’hécatombes d’hérétiques ; c’est la liberté et l’égalité, dont les sanglantes guillotines furent les servantes. »

                              Ce courant libertaire a réalisé que pour fonder une société libre, chaque membre devait posséder la liberté intérieure.

Le religieux a pratiqué toutes sortes de mortifications pour arriver à embrasser le suprasensible. Mais ce que l’on mortifiait n’était que l’homme matériel, la conscience commune qui est inapte à concevoir le divin.

Si l’homme veut embrasser la Vérité, il doit commencer par devenir autre qu’il n’est et par devenir aussi vrai que la Vérité.

Il n’y a que l’homme possédant le véritable organe de la vérité qui puisse participer à la Vérité qui est Esprit. Les alchimistes disaient que pour fabriquer de l’or, il faut déjà en posséder.

                              L’anarchiste, comme tout membre d’une Ecole Spirituelle, est un chercheur de liberté exigeant ! Il ne veut pas d’une liberté, mais de La Liberté avec un grand L ! Il ne veut pas marchander pour un peu plus ou un peu moins, un bout de liberté n’est pas La Liberté.

                    Le citoyen qui s’est battu pour se libérer de la Royauté est tombé sous la coupe de la Loi révolutionnaire. Au cours du temps, maints privilèges ont été abolis, mais toujours en vue du seul bien public, en vue de l’Etat qui reproduit toujours le même schéma du maître et du serviteur.

Aujourd’hui ce lien de soumission est moins visible qu’au moyen-âge par exemple, mais n’en est pas moins réel. La démocratie donne l’illusion de la liberté au citoyen tout en organisant sa vie afin qu’il n’ait pas le loisir de réfléchir à sa condition, ce qui pourrait l’amener à contester ce mode de fonctionnement. Les études, le travail, les besoins artificiels créés afin de fournir un but à atteindre durant toute sa vie, la télévision qui devient omniprésente, Internet, occupent l’esprit et suppriment la pensée individuelle…

                              Une autre arme pour maintenir l’humanité dans l’asservissement est la peur : la peur de la mort, celle de ne pas pouvoir obtenir ce que l’on désire et celle de perdre ce que l’on a, la peur de la maladie, de la souffrance, de l’enfer…

« Les gens perdraient tout respect si on ne les forçait pas à avoir peur », disait l’épouvantail au Chat Botté.

                              La peur fait partie du Grand Jeu pour affaiblir l’individu, pour le pousser dans les bras protecteurs d’une entité supérieure :

Dieu, la Religion, l’Etat, la Communauté… Elle est alimentée en permanence par les autorités de ce monde : suivez nos préceptes ou vous irez en enfer, obéissez à nos lois ou ce sera le chaos…

                              L’Etat laisse autant que possible les individus jouer librement pourvu qu’ils ne prennent pas leur jeu au sérieux et acceptent toujours sa férule.

                              Il ne poursuit jamais qu’un but : limiter, enchaîner, assujettir l’individu, le subordonner à une généralité quelconque. Il le façonne afin qu’il soit un pilier de sa société. Aussi, quiconque veut être soi-même, réaliser le but suprême rendu possible de par sa filiation divine, est, De Facto, un adversaire de l’Etat. L’anarchiste est lui-même le gardien de son humanité, et la seule chose qu’il demande à l’Etat, c’est de s’ôter de son soleil.

                              C’est pourquoi toutes les communautés authentiquement spirituelles, qu’elles soient gnostiques, chrétiennes ou autres, ont toujours été considérées comme un danger par le pouvoir qui s’allie alors avec la religion en place pour éradiquer ces tentatives de libération intérieure qui se manifestent par une vie libre de toute autorité.

                    Et lorsqu’un personnage atypique comme Akhenaton en Egypte ou Akbar en Inde ont laissé se répandre la Religion authentique, et l’ont même encouragée, ils ont vite été annihilés par ceux qui détenaient le pouvoir temporel, politique ou religieux.

Est-ce folie que de souhaiter parvenir à la liberté totale ? Il s’agit au contraire de la seule réalité existant dans ce monde, c’est beaucoup plus réaliste que de poursuivre des fantômes dans la vallée de la mort !

                              La vocation de l’Anarchisme et du Christianisme est nécessairement d’émanciper et de libérer les humains, tous les humains, et de leur rappeler qu’ils doivent se comporter en hommes libres :

Ni Dieu, Ni Maître !

Pas de Dieu extérieur que l’on adore et dont on attend tout, et pas de représentation intérieure d’un être supérieur. Pas de Maître à qui l’on doit obéissance absolue et pas de principe rigide qui va conditionner toute la vie.

Tolstoï s’exclamait : Dieu est mort, vive le Christ !

Le véritable Dieu, c’est l’Esprit dans l’homme, chacun reconnaît en lui-même un esprit libre.

                              Une Ecole spirituelle est une école de liberté, elle apprend à ses élèves à devenir autonomes. Pendant un temps, elle joue le rôle d’une béquille, pour nous permettre d’avancer, son champ de force remplace cette âme divine en devenir en nous, afin de nous relier à l’Esprit. Et lorsque cette construction de la nouvelle âme a été réalisée dans notre microcosme, elle lâche la main de ses enfants qui, devenus adultes, peuvent créer leur propre devenir.

Il nous faut alors rejeter les dieux et maîtres que nous avions créés afin de leur transmettre nos responsabilités, entonner le Chant du Brisement des valeurs illusoires que nous avons forgées, et se dévoiler, faire la preuve par l’acte que nous sommes dignes d’être des participants conscients et actifs de la Sainte Démocratie.

                              L’anarchisme chrétien se fonde sur la révolution personnelle par le changement de chaque individu et l’application des principes anarchistes et chrétiens dans le présent et non dans l’attente d’un « Grand Soir ». D’un point de vue religieux, il se fonde sur une relation directe et personnelle avec Dieu. Certains conçoivent aussi cela comme la recherche de l’Evangile intégral vécu spirituellement, mais aussi socialement.

Chacun doit trouver en soi la réponse à la question de Pilate :

« Qu’est ce que la Vérité ? »

La Vérité est la pensée libre, l’esprit libre, la manifestation dans notre microcosme d’un autre état de vie. La Vérité est ce qui est libre par rapport au Moi, ce qui n’est pas le Moi et n’est pas en son pouvoir.

                    Mais la Vérité est aussi ce qui n’a pas d’existence par soi-même, ce qui est impersonnel, irréel, incorporel;

La Vérité ne peut se manifester comme je me manifeste, elle ne peut se mouvoir, ni changer, ni se développer;

La Vérité attend et reçoit tout de nous, ce n’est que par l’être humain qu’elle existe car le contenu a besoin d’un contenant pour s’exprimer, le Saint Graal est là pour recueillir le Sang du Christ, nous venons à l’existence pour permettre à l’Esprit de pénétrer en nous par l’intermédiaire de l’Ame renouvelée et ainsi Dieu peut se manifester par sa créature.

          « En Vérité je vous le dis, nul ne pourra atteindre le Père que par moi. »

C’est par sa dimension initiatrice que le Christianisme assume l’idée libertaire. C’est parce qu’il rend à l’individu la valeur infinie de la personne, qu’il ne peut que s’opposer à l’Etat.

                              L’homme véritable, libéré de toute conscience égotique, ne peut trouver un état social adéquat à sa propre libération que dans une société théocentrique où l’autorité est de l’ordre du spirituel, à l’image de l’Egypte des Pharaons. Cependant, de même que ce n’est pas l’effacement du Moi que requiert l’ésotérisme chrétien mais sa transfiguration, l’idée libertaire ne vise pas à la négation de l’Etat mais à son rééquilibrage par rapport à la société.

                              Et celui qui a atteint cet état de liberté intérieure qui lui permet d’être un coparticipant à la Sancta Democratio, doit se mettre au service de la collectivité car, comme Proudhon l’a dénoncé dans sa célèbre formule

« La propriété c’est le vol », il ne peut garder tous les biens qu’il a reçus et doit les redonner à toute la communauté.

                              Dans la Gnose Originelle Egyptienne Tome 1 (p 244), nous lisons : « nous ne tendons pas vers une fraternité au sens étroit du terme, une fraternité que, dans ce monde, on nomme démocratie ; mais nous aspirons au grand amour dont parle Jésus Christ. La manifestation universelle est une unité de groupe magnifique, non pas un groupe tel un troupeau, ainsi que l’envisagent les systèmes totalitaires de l’Eglise et de l’Etat, non pas une unité de groupe par contrainte, mais l’unité de la véritable intelligence en liberté totale, telle la mosaïque des âmes libres, l’unité et la réalité de la septuple lumière parfaite. »

Et Max Stirner nous en conjure : « Adressez-vous à vous-mêmes, plutôt qu’à vos dieux ou à vos idoles : découvrez en vous ce qui y est caché, amenez le à la lumière, et révélez-vous ! »

                              Beaucoup d’hommes et de femmes ressentent ce besoin de liberté et de vérité que l’on peut qualifier de sentiment anarchiste et réagissent ainsi aux suggestions de la Fraternité Universelle.

                              A ceux qui désirent cette liberté absolue, elle sera accordée. Rien ne pourra les empêcher de l’acquérir, à condition, évidemment, qu’ils parcourent le chemin exigé.

                    De tous pays et de toutes races, ils se rassemblent pour former une Communauté qui sera élevée au-dessus de la corruption des rotations dialectiques, et qui accomplira le miracle de franchir cet abîme qui la sépare de la Patrie perdue. C’est là cette nouvelle Communauté en devenir qu’a en vue la Langue Sacrée, l’Ecclésia, et nous sommes arrivés de nos jours au moment où une race de ce genre doit se former et se manifester dans le monde, afin que tous sachent qu’ils sont appelés à rejoindre la Sancta Democratio.

« L’Unique et sa Propriété »   Max Stirner   L’Harmattan

« La Gnose Originelle Egyptienne »  Jan Van Rijckenborgh  Rozekruis Pers

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