LA GNOSE AFRICAINE

LA GNOSE AFRICAINE

                   Depuis l’aube du genre humain, des envoyés ont accompagné les êtres humains avec ce message :  » vous êtes des dieux en devenir » et leur ont montré le chemin pour y parvenir, chemin inscrit en chacun.

Des envoyés comme Jésus ou Bouddha ont transmis leur message oralement mais des disciples l’ont par la suite mis par écrit pour qu’il profite au plus grand nombre.

                        En Afrique, cet enseignement est resté oral, peu d’écrits nous sont parvenus. Mais nous avons quand même suffisamment d’éléments, comme les contes par exemple, pour retrouver cet enseignement et constater qu’il est bien identique à toutes les autres sources.

L’ANIMISME

                        Ce terme a été dévalorisé par les premiers missionnaires chrétiens qui y ont vu une forme de paganisme, sorcellerie…

Alors que c’est une philosophie de vie, une manière de vivre en harmonie avec les éléments, proche en ce sens des préoccupations écologiques actuelles en Occident. C’est également une religion puisque l’on y retrouve trois éléments essentiels :

Une croyance en un Dieu créateur

Des rites d’initiation, de funérailles

Une éthique, des normes de conduite

                        L’animisme place en tête de ses valeurs le respect de la vie considérée comme sacrée car donnée par Dieu.

Un esprit, un souffle, anime les êtres vivants, les objets, les génies protecteurs, tous les éléments naturels, les pierres, le vent, l’eau, le feu, les nuages…

Ce n’est pas tant une question de foi que d’expérience vécue où la quête de la Vérité est valorisée.

                        Contrairement au Dieu des Chrétiens, la divinité créatrice n’est pas proche de l’homme :

« Il fut le créateur du Cosmos, mais maintenant il se repose pour laisser les Esprits travailler ». A comparer au Tsim Tsoum, le retrait, dans le Judaïsme.

Mais c’est un faux problème car Dieu s’est effectivement reposé le septième jour comme dit dans la Genèse et a envoyé les monades dans le monde afin de développer leur potentiel ainsi que l’écrit Jacob Böhme : « elles doivent être confrontées à un adversaire pour faire la preuve de leur valeur. »

                        Dans un texte Cathare, Satan, mot qui signifie adversaire, demande à Dieu de lui confier l’humanité qu’il lui rendra dans 7 jours, les 7 jours de la création.

Jan Van Rijckenborgh dans la Gnose Originelle Egyptienne dit la même chose :  » Dieu ne veut pas d’automate à son service, c’est pourquoi ils ont été envoyés sur Terre pour y planter leurs racines pour ensuite s’élever vers le Ciel ».

L’animisme correspond à la perception d’une identité intérieure commune à tous les existants, humains et non-humains, et une identité distincte physiquement (animaux, végétaux, objets, esprits…)

Ce n’est pas une croyance mais l’expérience qu’il y a des esprits avec lesquels on peut entrer en communication. La religion africaine est fondée sur la croyance en un Dieu unique. Léopold Sédar Senghor, ancien président du Sénégal, disait « Fondamentalement, l’Africain est monothéiste ». Mais Dieu est si éloigné de ses créatures que les hommes rendent un culte aux puissances intermédiaires plus proches d’eux.

(cf culte des Saints dans l’Eglise Catholique. En Inde, il n’y a que deux temples dédiés à Brahma, le Dieu unique, alors qu’elle compte de nombreux temples dédiés aux autres manifestations issues de Brahma)

ECOTHEOLOGIE

                        Le modèle Chrétien de domination de l’homme sur la nature a conduit à la dévastation de l’environnement. C’est une réponse à l’idée que Dieu transcende la nature. Le Christianisme Catholique promeut l’idée d’une domination humaine sur la nature, traitant celle-ci comme un outil à utiliser et même à exploiter pour la survie et la prospérité.

Par exemple, la torture de millions d’animaux pour l’expérimentation animale est justifiée si c’est pour notre bien.

                        La Bible nous dit dans la Genèse que Dieu a donné le monde à l’homme qui peut en disposer à sa guise alors que le texte originel dit que l’homme est là pour organiser, protéger, faire prospérer la nature.

                        L’Ecothéologie chrétienne est néanmoins représentée par certaines figures comme François d’Assise dont les liens avec les animaux sont bien connus.

Isaac de Ninive, prêtre Orthodoxe :

« Je veux un cœur qui s’enflamme de charité pour la Terre entière, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toutes les créatures. Priez aussi pour les animaux et même pour les reptiles, dignes eux aussi d’une pitié infinie. »

Pierre Teilhard de Chardin dit que les animaux n’ont pas une âme comme l’être humain mais qu’ils sont l’expression directe de l’Esprit. (Ils ont une âme de groupe).

Plus près de nous, le Père Jean Martin, prêtre Belge, nous fait découvrir grâce à la communication animale ce que lui appelle l’âme des animaux.

                        D’une manière générale, le monde occidental redécouvre aujourd’hui l’essence des règnes minéral, végétal et animal grâce à des auteurs comme le forestier allemand Peter Wolhlleben qui dans son livre « La Vie secrète des Arbres » décrit la vie sociale des arbres.

Et de plus en plus de gens deviennent conscient de l’intelligence et de la sensibilité des animaux, devenant des animistes sans le savoir !

                        L’Africain pense que la nature entière, animaux et végétaux compris, doit être respectée car elle est non seulement notre Mère nourricière mais encore le grand livre divin où tout est symbole vivant et source d’enseignement. Victor Hugo disait « la nature nous parle mais les hommes n’écoutent pas ».

                        Il y a en Afrique des arbres qui restent verts pendant la saison chaude. L’ombre procurée par un feuillage verdoyant et vivant répand sur toute la surface qu’elle recouvre un élément vivifiant qui neutralise l’élément irrespirable produit par la chaleur solaire.

                        Ce principe rappelle le « vert » paradisiaque qui est une réalité spirituelle dont le vert ici-bas est une manifestation au niveau matériel.

Le Paradis est un jardin symbolique dont la verdure est éternelle. Elle atténue pour nous les rayons de la Lumière Divine trop forte pour être supportée par notre vue.

Parole de Tierno Bokar, Soufi Malien :

« Frère en Dieu, en attendant la chance de pénétrer dans le jardin céleste de demain, respecte aujourd’hui le grand jardin que constitue le règne végétal. Il est une allégorie que Dieu fait sortir de terre pour notre instruction, notre nourriture ».

RELIGION AFRICAINE

                        La religion africaine ne possède pas la notion de péché originel.

Ni servitude ni délivrance, ni joug ni salut, sont les deux polarités négatives de la théologie africaine.

Si l’homme africain vénère la Divinité, ce n’est pas pour la gloire de Dieu mais pour son propre épanouissement. La religion est essentiellement fonction de l’élément humain et de son univers, la Terre. L’homme est l’élément central d’un système auquel il imprime une orientation centripète.

Monde minéral, végétal, animal, spirituel, il affirme son appartenance à tous ces milieux et sa position transcendante par rapport à eux.

La naissance est insuffisante pour assurer à l’individu son statut d’être humain. Celui-ci s’acquiert progressivement et n’est pleinement atteint que dans la vieillesse. En Inde, il y a trois étapes dans la vie :

La jeunesse, période de formation

L’âge adulte où l’on travaille et fonde une famille

Et la vieillesse consacrée à la spiritualité

Les Kalash sont un peuple premier du Pakistan. Ils disent « On naît homme, on doit devenir humain ».

                        L’Africain peut utiliser tous les matériaux que lui offre son milieu pour exprimer ses idées sur Dieu. Tout ce qui l’entoure jouit d’une sorte de transparence qui lui permet de communiquer avec le Ciel. Ce sont des indices révélateurs du Divin.

                        Au temps initial, le Ciel est plaqué sur la Terre, gênant les humains dans leur croissance ou dans leurs activités. De même, Dieu vivait autrefois avec les hommes puis il prit la résolution de s’éloigner.

Ce n’est pas une chute comme dans le Christianisme mais une distance qui permet un dialogue, une communication entre ces réalités.

                        Les rapports entre la Divinité et les hommes ne peuvent logiquement exister qu’à condition d’admettre l’intervalle entre le créateur et l’être créé. La religion est communication (du latin religare qui signifie relier).

                        L’époque de la religiosité de l’homme n’est point le temps paradisiaque quand Dieu vivait dans le village des terriens mais le temps d’après quand Dieu eut perdu ses caractères terrestres et humains pour vivre éloigné de l’homme.

Dans la mystique africaine, l’intensité de l’émotion religieuse est directement proportionnelle au sentiment d’éloignement que l’âme humaine éprouve vis-à-vis de Dieu. Comme indiqué précédemment, les indiens préfèrent se fier aux Dieux proches plutôt qu’à Brahma le créateur trop éloigné de leur vie quotidienne.

                        L’aventure humaine possède une liberté de mouvement qu’elle ne pourrait jamais avoir si le créateur « serrait » de trop près sa créature.

L’Africain aspire à devenir Dieu mais il ne quitte jamais sa condition humaine. Il ne monte pas au Ciel pour y jouir en paix de la vision béatifique. Il oblige plutôt Dieu à revenir sur Terre, à se rapprocher à nouveau de lui, à descendre sur lui pour le diviniser. Ainsi le lieu favori de la vision béatifique de l’Africain reste bien la Terre.

                        C’est grâce à la valorisation de l’homme intérieur que l’être humain se hisse au-delà de ses limites naturelles et accède aux dimensions des Dieux. Il exploite en profondeur son être secret grâce à une science de l’âme.

Cela passe par une transformation totale de la personnalité (tel état de conscience, tel état de vie) qui se réalise au cours d’initiations marquées par la mort du vieil homme et la résurrection d’un être nouveau

                        La tendance de la religion africaine consiste à garder un contact étroit avec le cosmos. Le fidèle africain ne s’isole pas de la nature ; celle-ci doit agir sans intermédiaire sur ceux qui participent aux mystères.

Le Soleil, la Lune, les Etoiles, la Terre, la Faune et la Flore exercent directement leur influence sur les humains en prière.

LES LIEUX DE CULTE

                        Voilà pourquoi l’idée de temple en tant qu’édifice de culte est étrangère au fidèle africain. En communion presque constante avec la nature, c’est en elle qu’il cherchera à réaliser l’harmonie avec la Divinité, donc qu’il établira ses lieux de culte.

                        Par exemple, l’eau : sources, rivières, lacs, constituent les grands temples aquatiques. La source est liée à la notion de renaissance et de résurrection. L’eau dormante est associée à l’origine et à la création de l’homme et du monde. Les rives des réservoirs d’eau accueillent les prières concernant le retour aux origines. Les rites ont pour thème la mort et la résurrection.

                        La Terre est l’équivalent symétrique du Ciel. A ce titre, elle est toute indiquée pour constituer un lieu de prières. Elle est puissance nourricière et lieu d’ensevelissement. Elle fait croître et conserve ; elle réunit en elle-même la vie et la mort. La Terre passe pour avoir donné naissance aux premiers êtres humains (créé avec le limon de la terre). On sait que la vie sur Terre est née dans les marais, les différentes incarnations de Vishnu, ses Avatars, vont de l’eau à la terre jusqu’à l’être humain.

La montagne est considérée comme un lieu en rapport avec le ciel, elle est donc toute indiquée pour constituer un temple. Symbole de royauté.

Dans une grotte, l’homme opère un retour dans le sein de la glèbe afin de se renouveler et de renaître. Ce sont des lieux d’initiation dont le thème fondamental est la mort et la résurrection. On accède à l’intérieur de la terre conçue comme une matrice dans laquelle l’être humain se love, par un mouvement d’involution, pour réapparaître tel un nouveau-né renouvelé, au début de sa vie spirituelle.

                        Le carrefour représente le Dieu-point, phase de la création où la Divinité elle-même n’était encore qu’un être sans dimensions au sein d’un univers privé de coordonnées. Ainsi ce lieu constitue pour les Bambaras un temple en rapport avec l’être sous sa forme concentrée, sous son aspect de totalité.

                        Les bosquets constituent les lieux de culte préférés de la religion africaine. Généralement, le boqueteau sacré est formé par une enceinte d’épineux du genre acacia croisés dans un enchevêtrement inextricable.

En son centre, un espace dégagé auquel on accède par un sentier ménagé dans la muraille vive. Des arbres sacrés peuvent s’y trouver.

 Les épineux représentent la difficulté, les ténèbres auxquelles se heurte l’intelligence du néophyte avant de pénétrer peu à peu la connaissance.

L’éclaircie intérieure représente l’aboutissement du chemin du savoir : le ciel, le séjour des âmes pures, l’espace saint.

                        Le Feu : le foyer dans chaque maison est un lieu de culte, l’âme de l’habitation.

L’INITIATION

                        L’initiation africaine se veut être une sorte de sacrement qui, après une mise à mort symbolique du novice, est susceptible de lui octroyer la résurrection et une nouvelle vie. Cela correspond à l’idée de renouvellement de l’être humain qui, grâce à ce traumatisme symbolique, dépouille le « vieil homme » qu’il était pour se muer en un « nouvel homme » correspondant à son état spirituel d’initié.

                        Le but final de l’instruction est de conduire l’homme de son état primitif d’animalité à celui d’unité sociale parfaite, en d’autres termes, réaliser l’Homme. Chez les Bambaras, les candidats à la société secrète du Koré sont tués dès le premier jour au moyen d’un geste symbolique : on leur touche la gorge avec 2 couteaux, l’un en fer, l’autre en bois. A partir de ce rituel et pendant une durée de 15 jours, les néophytes ne rentrent plus chez eux.

La réclusion symbolise la vie du cadavre dans la tombe et aussi l’attente du fœtus dans le sein maternel. C’est une période de formation et de transformation pendant laquelle les postulants doivent acquérir le goût de la connaissance (Gnose) et de la sagesse qui leur permettra de se détacher des choses terrestres et de s’orienter vers la vie de Dieu.

(Activité des trois sanctuaires Tête, Cœur, Bassin)

                        Un élément identique caractérise toutes les initiations chez les différentes ethnies : la conscience que seule la connaissance libère l’être humain des étreintes de la matière et lui permet de se hisser au-dessus des conditions ordinaires de l’existence.

                        Lucifer est le « Porteur de Lumière », il est présent dans le monde pour apporter la Connaissance du divin qui mène à la libération vers le Royaume Originel.

De même, Prométhée est venu apporter la Lumière Divine aux humains et pour cela s’est trouvé enchaîné au rocher de la matière jusqu’à ce qu’il soit libéré par Hercule au cours de ses pérégrinations. C’est le rôle que doit accomplir chaque être humain.

Pratiquement, le passage par la connaissance n’admet pas d’exception sur tout le continent noir car il constitue le véritable titre de noblesse de l’Africain.

                        Il existe dans la mentalité africaine une correspondance étroite entre l’homme et le monde : ces deux entités sont comme deux miroirs placés face à face qui se renvoient leurs images réciproques.

L’homme est un Microcosme qui reflète le grand monde, le Macrocosme, et celui-ci à son tour reflète l’homme.

Par l’initiation, l’homme devient un Temple vivant de l’invisible.

                        L’être humain est en quête d’une sorte de délivrance susceptible de transfigurer sa condition terrestre. L’Africain ne se contente pas d’implorer le pardon ou le secours de la Divinité, il aspire au contact avec son Dieu, il ambitionne de devenir lui-même l’autre. Il tient pourtant à garder son statut d’homme et à vivre sa vie de terrien.

La dualité entre l’âme et le corps est vivement sentie par l’Africain qui attribue à l’une les caractères de permanence et de continuité et à l’autre l’altération et le devenir. L’importance donnée au corps doit diminuer au profit de l’âme.

La connaissance de soi, n’domo, mène à la connaissance de Dieu, Koré.

Le Koré est au sommet de l’édifice de la connaissance. Son enseignement a trait à la spiritualisation et à la divinisation de l’homme, il rend l’être humain égal à Dieu.

                        L’initiation du Koré a pour mission de découvrir le chemin pour arriver à Dieu qui est un désir comparable à une voix enfouie dans l’âme ; voix que l’être humain peut et doit faire émerger pour son ennoblissement.

L’initiation au Koré est une obligation sociale afin de maintenir l’harmonie de l’humanité et du monde.

Il ne faudrait pas croire que le mysticisme du Koré isole les adeptes de la confrérie du commun des mortels et leur fasse perdre le sens des réalités concrètes. Il est au contraire le couronnement de la vie d’un Bambara.

Aussi, tout en se sachant ressuscité et transformé en Dieu, il vaque à ses occupations habituelles.

L’expérience mystique ne détruit rien de la vie quotidienne de l’extasié. Elle lui donne une dimension nouvelle sans laquelle la perspective de l’humanité se trouverait réduite à des proportions d’une exiguïté angoissante.

                        La maîtrise de soi est la clé de voûte de toute l’architecture religieuse de l’Africain. Le pouvoir sur soi mène à l’estime de soi-même.

Le légitime orgueil est la foi très vive dans la valeur de l’homme, la conscience de la supériorité de l’être humain par rapport au reste de la création.

Le sacrifice de soi apparaît dans la vie mystique lors du don de soi de l’adepte devenu « épouse » de Dieu. Car tel est le paradoxe de la spiritualité africaine : l’homme à la fois s’affirme et se nie. Il s’affirme par le sentiment de sa propre puissance et se nie en se donnant.

Le paradoxe n’est qu’apparent : le mystique meurt pour ressusciter. La mort devient une position de retrait afin de mieux conquérir la vie.

Il  faut mourir avant que de mourir afin de vivre éternellement.

 Mort de l’égo terrestre et renaissance de l’âme divine.

Vie et enseignement de Tierno Bokar   Amadou Hampaté Bâ  Editions du Seuil

Religion, Spiritualité et Pensée Africaines   Dominique Zahan   Payot

L’Initiation Africaine   Prince Birinda    Les Editions du Prieuré

Le Chemin pour aller à Christ   Jacob Böhme  Editions Hermétisme Chrétien

A l’Ecoute du Monde Animal   Père  Jean Martin   Editions Le Temps Présent

La Gnose Originelle Egyptienne  Jan Van Rijckenborgh  Rozekruis Pers

L’Esprit l’Ame et le Corps  Saint Luc de Crimée Editions du Monastère Sretenski

La Vie Secrète des Arbres  Peter Wohlleben  Poche

Ecritures Cathares René Nelli Editions du Rocher

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