LE(S) TEMPS   

LE(S) TEMPS   

« Le Temps est l’image mobile de l’Eternité » disait Platon.

                              Cette notion, le Temps, a mauvaise presse dans le domaine de la spiritualité car elle est considérée comme faisant partie du monde de l’illusion. Et Einstein a confirmé scientifiquement cette approche en prouvant la relativité du temps, ce que nous pouvons ressentir car le temps est long quand on s’ennuie et court quand on apprécie le moment présent.

                              Autrefois, il y a plusieurs siècles, nos ancêtres se déplaçaient dans toute l’Europe pour étudier, enseigner, pratiquer leur art etc…

Certains ont écrit, peint, composé des œuvres par dizaines et par centaines.

                              Aujourd’hui les déplacements sont infiniment plus rapides et à l’époque de la voiture, du TGV, de l’aviation…, le leitmotiv est :

« Je n’ai pas le temps »

Ainsi parfois certaines personnes disent : « ce que dit l’Ecole de la Rose-Croix est intéressant mais pour l’instant je n’ai pas de temps à consacrer à cette activité ».

                              Cette accélération du temps est réelle car elle correspond à l’augmentation du rythme de la résonance de Schumann, une pulsation électromagnétique qui est en quelque sorte le pouls de la Terre.

                               D’autre part les éons de la nature qui ont intérêt à ce que les hommes ne se posent pas les bonnes questions afin de garder leur main mise sur le monde, utilisent à profusion les moyens de la technologie afin de leur permettre de « passer le temps » : radio, télévision, internet, Smartphones, jeux vidéos…

La liste est longue des occupations proposées. Ainsi l’aspect divin est toujours plus enfoui dans le cœur de l’homme sous de multiples couches d’activités qui ne menacent pas l’existence du monde naturel.

                              Or, comme le précise Platon, le Temps est une image de Dieu, il fait partie de l’ordre de secours et a donc son utilité.

Hermès Trismégiste, dans le Corpus Hermeticum, nous le confirme :

« Dieu fait l’éternité, l’éternité fait le monde, le monde fait le temps, le temps fait le devenir et le devenir ramène à Dieu».

On voit que le temps fait partie d’un cycle qui prend naissance en Dieu pour ensuite y retourner.

                                L’avenir angoisse parce qu’il contient la mort. Dès qu’un homme naît, il est assez vieux pour mourir et le risque de la mort se profile à l’horizon de tous les possibles. Le Temps de la dialectique est une dégénérescence qui mène à la cristallisation et à la mort.

                                D’où le succès de toutes les annonces concernant une certaine immortalité : un chercheur en médecine déclare que bientôt la maladie sera vaincue, on achète des produits qui se présentent comme une source de jouvence.

La cryogénisation propose de prendre soin de votre corps après le décès en attendant un réveil dans un monde futur dans lequel la maladie et la mort seraient vaincues.

                              Ceci est une expression du désir d’éternité qui se manifeste en l’homme et dont la cause est l’activité de la Rose du cœur, le dernier vestige du divin.

                               Le Temps entraîne la nostalgie des bons moments passés, des années d’insouciance de la jeunesse par exemple.

« C’était mieux avant » est une expression que l’on entend souvent.

                               C’est l’activité sur le plan horizontal de la ressouvenance, ce rayon lumineux provenant de Dieu et qui, pénétrant dans notre cœur, nous rappelle que nous étions nous-mêmes des êtres divins et que la séparation puis l’oubli nous ont plongés dans le monde de l’Espace et du Temps.

Mais ce monde est aussi un formidable champ d’expériences dans lequel les monades, les microcosmes divins que nous incarnons, peuvent grandir, se construire grâce aux leçons apprises.

Nous exprimons la nostalgie d’un passé glorieux que l’on voudrait retrouver, celui de l’appartenance au Royaume divin originel.

                              Si on laisse de côté tous les passe-temps offerts par les Maîtres du Monde, l’on peut trouver le temps de réfléchir à sa condition humaine, analyser toutes les expériences que nous avons vécues pour en arriver à cette constatation : le monde du Temps existe pour nous amener à un état où il n’a plus prise sur nous.

                              Un terme a beaucoup été employé ces derniers temps pour qualifier la réaction produite par l’affaire impliquant le président du FMI, que l’on peut qualifier de chute d’Icare : ce mot est « sidération ».

Il s’agit d’un terme médical qui désigne un état traumatique suite à un accident ou à une catastrophe naturelle où les êtres humains se dissocient pour ne pas souffrir, où ils s’absentent, un état de mort apparente.

                              En astrologie, il désignait un anéantissement total des forces vitales sous l’effet d’un astre négatif.

                              Eh bien nous pouvons dire que les êtres humains que nous sommes vivent un état de sidération suite au choc causé par ce que l’on appelé la chute, avec sa conséquence l’apparition de la mort.

                              En effet, Dieu ne permet pas que l’homme soit définitivement perdu et lorsqu’Adam et Eve ont mangé du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, le phénomène de la mort est apparu afin que nous ne restions pas dans l’erreur définitivement mais que périodiquement de nouvelles possibilités de libération nous soient offertes avec une nouvelle incarnation.

                              En Orient, le Temps n’a pas ce côté couperet que lui a donné l’Occident grâce à la connaissance du cycle des incarnations.

La mort n’a pas l’aspect définitif en vigueur dans les sociétés occidentales, le blanc est la couleur du deuil au lieu du noir et l’on ne connaît pas le phénomène des pleureuses par exemple.

                              En effet, les orientaux savent que la mort n’est qu’un passage avant un retour sur Terre pour une nouvelle vie et de nouvelles possibilités de libération. Mais ce cycle d’incarnations arrive lui-même à une fin quand une nuit cosmique remplace un jour de manifestation.

                              Tout dans ce monde a deux aspects, positif et négatif, suivant le point de vue que l’on adopte.

Ainsi le temps efface les mauvais souvenirs, permettant de prendre un nouveau départ sur une base assainie.

Il est également la maturation qui permet la naissance, il est renouvellement, il présente sans cesse de nouvelles occasions de saisir la vérité cachée derrière un monde d’illusion.

                              Car toutes choses en ce monde émanent de Dieu. Il faut donc utiliser le bon côté des outils qui nous sont donnés.

                              Nous venons de voir quelques aspects de ce temps auquel nous sommes confrontés quotidiennement. Mais qu’en est-il du domaine divin, si ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, existe-t-il un Temps divin ?

En Grèce, l’entrée dans le monde de l’espace-temps était figurée par Chronos, le Dieu qui dévorait ses enfants, représentant les cycles qui comprennent un début, un développement et une fin comme la journée, l’année, la vie humaine…

                               Un autre personnage, Kairos, représentait le Temps évolutionnaire qui mesure l’expansion de conscience. Ses heures, ses jours, sont les étapes de notre chemin personnel : rencontres, évènements remarquables qui entraînent une nouvelle compréhension, changements dans notre vie de chercheur de vérité…

                              Ce mot vient de la racine Ker qui signifie « couper », « séparer ». Il implique une rupture dans la continuité spatio-temporelle, un instant décisif ou critique.

                               La statue de Kairos était représentée avec des ailes aux pieds pour exprimer sa fugacité. Elle avait une longue chevelure sur le front alors que la nuque était nue.

Cela voulait dire que le Temps divin est un rayon de Lumière qu’il faut appréhender immédiatement quand il se présente, si l’on tergiverse et qu’on laisse passer l’occasion, Kairos est déjà loin et l’on ne peut plus le saisir.

                              Il représente le moment opportun, le bon moment pour agir.

C’est le moment clé, où tout bascule. Il est un rythme atemporel d’opportunités évolutionnaires destinées à nous faire avancer sur notre chemin de vie, individuel ou collectif.

Les médecins grecs le décrivaient comme l’instant critique où la maladie pouvait évoluer vers la guérison ou vers la mort.

                              C’est une fenêtre d’opportunité qui se présente à nous et où le choix nous est donné, à savoir si nous voulons servir Dieu ou Mammon, si le don de Lumière qui nous est fait servira pour une victoire ou pour une chute.

                              Kairos est le Dieu de l’occasion opportune (the right time en anglais), il est lié à l’absolu.

Il n’est rien sans le savoir qui permet de le reconnaître, il devient un simple évènement parmi d’autres. Mais pour celui qui sait, il est celui qui lui révèle son propre savoir, par le choc de la réalité qui se révèle comme signifiante.

                              L’irruption soudaine du Kairos, c’est-à-dire d’un temps visité par le divin, se marque par l’apparition de la lumière.

Dans la Bible, le mot Kairos est utilisé pour désigner l’action salvatrice, l’intervention décisive de Dieu par l’incarnation rédemptrice.

                              Selon Platon, l’homme subit trois influences, trois sortes de temps :

Le Hasard qui est la Nature, Chronos

La Nécessité, Dieu ou Aïon l’Eternité

Et le Kairos.

L’action humaine doit s’inscrire dans le Kairos en fonction du but divin proposé à l’homme soumis aux aléas de la Nature.

                              La signature de l’expression du divin dans le monde manifesté est le mouvement évolutif de la conscience. L’homme divin ne naît pas parfait, ce qui impliquerait la statique, l’absence de mouvement. Mais il doit faire la preuve de sa valeur sur un chemin dont le but affiché est la perfection divine, but jamais atteint car il n’est de perfection que de Dieu.

                              Nous sommes une créature divine, nous avons en nous la marque du Fils de l’Homme. Mais nous ne pourrons jamais englober la totalité de la création. La goutte d’eau, quand elle a rejoint l’océan, demeure.

L’on peut penser que dans le monde manifesté des sept domaines cosmiques, l’éternité n’existe pas. En effet cette notion est à rattacher à celle de statique qui implique l’absence de mouvement.

                              La statique et l’éternité sont les attributs de Dieu seul car il est la cause sans cause, il n’a pas d’origine et donc pas de fin.

                              Donc le Temps divin peut être compris comme l’espace entre deux états de conscience évolutifs, un Temps existentiel. Et si tout l’univers est soumis au cycle des jours de manifestation et des nuits cosmiques, on peut alors assimiler cette nuit à une période de sommeil dont on se réveille en gardant l’acquis du jour précédent, prêt à continuer son travail.

                              Au contraire, si le processus de transfiguration n’a pas été mené à son terme au cours d’une vie, la mort physique entraîne une perte de cet acquis et un nouveau départ à zéro lors de l’incarnation suivante.

                              Nous connaissons le Passé sur des années, des siècles.

Le Futur est également analysé, imaginé, sur de longues périodes.

Le Présent, lui, n’existe pas dans notre univers. En effet, à peine l’a-t-on évoqué qu’il a déjà disparu, englouti dans le Passé.

                              Encore une fois, la Nature et la science qui décrit son fonctionnement, nous confirment cet état de fait.

En effet, lorsque nous contemplons une étoile, nous la voyons telle qu’elle était il y a peut être des milliers d’années, le temps que la lumière qu’elle émet nous parvienne. Le Soleil, qui est proche de nous, est à 8 minutes.

                              Le principe est le même pour tous les objets qui nous entourent, même si le temps que met leur lumière à nous parvenir se mesure en nanosecondes.

                              Donc, physiquement, l’univers, le monde entier proche et lointain que nous voyons, appartient déjà au passé.

Le présent n’appartient pas à notre monde et c’est bien pour cela qu’il nous est demandé de vivre dans le Présent, c’est-à-dire dans l’aspect d’éternité qui existe en chacun. L’éternité n’étant pas une durée infinie mais un état.

                              Si le vrai présent n’est pas l’univers dans lequel nous évoluons puisque celui-ci appartient au passé, il est celui de notre conscience, de notre âme, bref nous sommes nous-mêmes le présent ; en tous cas, nous avons la possibilité, et même le devoir de le manifester.

« Dieu est un Eternel Présent », disait Angelus Silesius.

                              Le film se déroule devant nous à la vitesse de 24 images par seconde, nous présentant une réalité illusoire. Si le film est passé au ralenti, en se soustrayant aux flots rapides et tumultueux du Monde, l’on peut voir un espace interstitiel entre deux images : là est le Présent, l’autre nature qui doit émerger en tant que pure réalité, Tao.

                              Le Temps dialectique est cyclique, il est un cercle fermé, alors que le Temps existentiel est une spirale qui monte à l’infini.

L’un représente la barre horizontale de la croix, l’autre la barre verticale issue de la nature divine.

                              En tant que chercheurs sur le chemin de la libération, nous vivons dans ces deux mondes, nous sommes placés au centre de la croix.

                              Nous subissons physiquement l’influence nocive de la dialectique, du Temps dégénératif.

Mais nous participons également du Temps divin, évolutif.

                              Le processus de transfiguration que chacun est invité à réaliser au cours de cette période propice provoque un glissement entre ces deux états.

Nous devons laisser s’accomplir l’action du Temps naturel qui ne concernera plus que notre enveloppe physique et notre personnalité qui, comme le deuxième voleur sur la croix du Golgotha, est appelée à se dissoudre par l’effet du Temps.

                              L’être Christ qui a pris naissance dans le microcosme, lui, vit du Temps divin et pourra continuer son chemin après avoir passé la frontière qui mène du septième au sixième domaine cosmique.

Chers amis,

                              Notre Monde est un caillou lâché dans le Temps dont la vitesse s’accélère tout au long de la chute. Quand il atteint la vitesse du Temps, il s’écrase et s’anéantit.

                     Nous pouvons constater tout autour de nous cette accélération de la vie des hommes et de la planète, ce qui montre que nous sommes arrivés à ce moment de crise qui entraîne une mutation.

Une fenêtre s’est ouverte dans le Temps linéaire qui permet le contact avec le Temps divin, la nature de Christ.

Car en s’incarnant, Christ a fait du Temps le chemin vers l’Eternité.

 Nagarjuna disait que le Présent est semblable à la boule d’argile, le Passé à la poussière de la terre et le futur à la cruche.

                              En cette période où le Verseau commence à déverser sur l’humanité son eau vive, profitons de cette opportunité pour saisir la chevelure de Kairos, façonner l’âme divine au sein de notre microcosme et ainsi accomplir notre tâche, devenir un Homme Nouveau au sein de l’Eternel Présent.

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